Charlotte Buisson Dackow & Charlotte Bartoli.

Fondatrices de la Distillerie de l’Arbre Sec.


Celles qui distillaient dans Paris.

En 2013, Nicolas Julhès ouvrait la première distillerie au coeur de Paris. Début 2024, la Distillerie de l'Arbre Sec, spécialisée dans le gin, co-fondée par Charlotte Buisson Dackow, Charlotte Bartoli et Nicolas Paradis voit le jour. Il aura fallu plus de 10 ans, pour qu'une distillerie au féminin voit le jour dans la capitale ! Non sans embûches, Charlotte et Charlotte ont bataillé pour réussir leur rêve, et nous racontent ce qui se cache derrière ce projet.

Le hasard fait bien les choses.

Elles auraient pu ne jamais se rencontrer. Charlotte Buisson Dackow (BD) est une femme du vin, formée à ses métiers. Elle est rapidement partie en Irlande pour un poste dans le commerce du vin. Amenée à faire beaucoup d'événementiel, elle a constaté l'habitude des irlandais de consommer un gin tonic en début et fin de soirée. Cela lui ouvre une nouvelle sensibilité aux spiritueux de qualité, avec lesquels elle n'était pas familière. De l'autre côté de l'Atlantique, Charlotte Bartoli (B) s'épanouie dans le milieu du bar. Après des études en Suisse dans une école hôtelière, elle aspire à voyager le plus possible et sait que son futur ne passera pas par les hôtels. Elle passe derrière le bar, et découvre toutes sortes de spiritueux. Jusqu'en 2013, lorsqu'un représentant de Nollet's Gin lui fait tester une de ses bouteilles. Telle une révélation, elle revient en France pour étudier la distillation et se former à la fabrication du gin et du whisky. Elle travaille ensuite avec Thierry Bénitah à La Maison du Whisky pour la découverte de bouteilles rares.

C'est en septembre 2018 que les deux Charlotte se rencontrent. D'abord indirectement ; lors du salon Quintessence (le salon des spiritueux français) Charlotte BD. fait le tour des stands et discute sans le savoir avec l'ex-boss de Charlotte B. Alors qu'elle lui parle de son projet de créer une distillerie de gin, celui-ci se rappelle du projet dont lui parle Charlotte B. depuis longtemps. A savoir : ouvrir un bar à gin où elle pourrait distiller. Il l'appelle mais Charlotte B. a déjà quitté le salon, les deux Charlotte se rencontrent finalement quelques jours plus tard et l'alchimie pro est là !

6 ans et beaucoup d'embûches.

Entre leur rencontre en 2018 et l'ouverture des portes de la distillerie en 2024, 6 ans s'écoulent. Ce qui en dit long sur la difficulté d'ouvrir une distillerie à Paris. Aucune des deux n'a jamais fait ça, c'est d'ailleurs ce qui a motivé l'envie de se lancer uniquement en étant à minimum deux associées.

L'une comme l'autre ne voulaient pas s'aventurer seule ; envie d'être deux femmes plutôt qu'une pour être plus fortes face aux clichés éventuels, volonté de se nourrir d'autres expériences, et conscience qu'il s'agit d'un gros projet, sont autant d'arguments qui ont nourri cette réflexion. Charlotte BD. a vu l'émergence des micro-distilleries artisanales au coeur de Londres mais aussi la diversité d'expériences qu'elles ont à offrir aux consommateurs. Alors que le marché anglo-saxon est saturé de cette offre, en France la tendance reste émergente et une place est à prendre. C'est ce qui a motivé une installation sur Paris. Après moult visites, elles découvrent un hôtel particulier en plein centre de Paris. Le début de l'aventure.

La seconde certitude du projet, est de faire des gins artisanaux et de proposer une expérience au sein de la distillerie. Ainsi, la Distillerie de l'Arbre Sec propose des gins en édition limitée (en collaboration avec des producteurs d'exception et des artistes), un gin permanent - Charlotte's Ink - et un vermouth, ainsi que 18 mini-alambics pour des ateliers de créations de gin. Ce n'est pas tout, vous pouvez également participer à des visites guidées et dégustations par l'une des Charlotte.

Risque d'explosion et clichés.

La question qui vient presque spontanément lorsqu'on parle de distilleries à Paris est : mais comment est-ce autorisé ? L'alambic peut exploser ! C'est en effet une réalité. Aussi cela est extrêmement encadré. Une des raisons des 6 ans nécessaires à la création de la distillerie est toute la mise en conformité et l'administratif derrière.

A Paris plus qu'ailleurs, les douaniers (ce sont eux qui gèrent la régulation de la création et vente d'alcools) sont extrêmement pointilleux et il ne fut pas toujours aisé de trouver le bon interlocuteur. Quelques normes à respecter en vrac : l'alambic doit être conditionné pour ne pas dépasser un certain volume, le positionner à une distance précise des murs mitoyens d'habitations, etc. Heureusement, tout au long de leur parcours, elles ont pu compter sur le soutien des acteurs du marché et n'ont pas souffert de quelconque préjugés.

En revanche, elles soulignent toutes les deux, que les préjugés sont souvent issus des consommateurs ! Dernier exemple en date ? Le mois dernier, un banquier se présente, accueilli par les deux Charlotte sa première question : "puis-je parler au patron ?" Elles ont aussi pas mal d'expériences où les hommes ont tendance à vouloir contre-argumenter lors de la visite, ne semblant pas concevoir qu'une femme puisse être experte en spiritueux ! Si l'industrie a depuis longtemps établi pour norme de ne faire fis du genre, l'amateur de spiritueux français semble encore un peu frileux à l'idée. Amenons-les à changer !

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Alex Thomas.