Nancy Duarte.
La Maestro Ronera du Rhum Santa Teresa.
Celle qui travaillait avec les gangs.
En novembre dernier, on a eu la chance de participer à une folle soirée organisée par Santa Teresa, un rhum vénézuelien. Vous avez peut-être vu un aperçu sur notre instagram ! Au-delà d'un rhum exceptionnel, l'ambition sociale de la distillerie est louable. Cerise sur le gâteau, il s'agit d'une maestra ronera aux commandes des créations. Vous nous connaissez désormais, on a sauté sur l'occasion pour en apprendre davantage. On a donc le grand plaisir de vous présenter aujourd'hui le portrait de Nancy Duarte, Maestra Ronera du rhum Santa Teresa.
De l'arrière boutique au feu des projecteurs.
En 1990, à 22 ans, Nancy fait ses premiers pas en tant que stagiaire dans la distillerie Santa Teresa. Etablie au Vénézuela - jusqu'à récemment le pays le plus dangereux du monde - cette distillerie produit des rhums depuis 1796 et a largement contribué à créer le segment des rhums Super Premium avec la création du rhum Santa Teresa 1796.
Au départ le rôle de Nancy consiste à préparer la dégustation quotidienne des maestros roneros (maîtres rhumiers), notamment en nettoyant les verres, "derrière les rideaux, sans que personne ne me voie, je buvais une gorgée de chaque échantillon pour en connaître les caractéristiques et, petit à petit, ils ont commencé à m'inclure dans les évaluations et mes opinions ont commencé à compter. Ils ont compris que j'avais du talent." explique Nancy. Elle travaille avec 2 maîtres rhumiers qui deviennent rapidement ses mentors, dont Jean-Paul Louvert qui lui apprend toutes les étapes du processus de production. En 2021, elle devient la première femme Maestra Ronera de Santa Teresa et supervise l'ensemble du processus de production et de création de la distillerie.
« Derrière les rideaux, sans que personne ne me voie, je buvais une gorgée de chaque échantillon pour en connaître les caractéristiques et, petit à petit, ils ont commencé à m’inclure dans les évaluations et mes opinions ont commencé à compter. Ils ont compris que j’avais du talent. »
Une histoire d'hommes ET de femmes.
Au cours de ses 227 ans d'histoire, Santa Teresa a tout vu et tout vécu : guerre d'indépendance, gouvernance militaire, périodes démocratiques, dépressions économiques, croissance, hyperinflation, etc. "Nous n'avons jamais été en eaux calmes, mais cela nous a toujours aidé à avancer." déclare Nancy. C'est ainsi qu'a été créé Santa Teresa 1796, un rhum solera à triple vieillissement qui combine les réserves les plus anciennes et les plus exclusives dans un mélange de rhums ayant jusqu'à 35 ans d'âge, vieillis d'abord en fûts, puis selon leur méthode solera unique et enfin en fûts (pour tout comprendre de cette méthode unique, direction cette vidéo).
Nancy reconnaît que cela a pu voir le jour qu'avec l'engagement des quelques 2000 employés (directs & indirects) de la distillerie. Mais aussi - ce qui est plus étonnant - main dans la main avec plus de 200 membres de gangs réintégrés dans la société grâce au programme Proyecto Alcatraz - un programme de réinsertion des membres de gangs qui s'appuie sur les valeurs du rugby et le principe de justice restaurative.
Les gens et les parcours de vie sont d'ailleurs d'importantes sources d'inspiration pour Nancy. Interrogée sur ce programme, elle explique qu'en observant les changements de vie opérés par les membres de gangs lorsqu'ils intègrent le Proyecto Alcatraz, elle voit l'importance qu'une opportunité peut avoir sur une vie. A titre d'exemple, elle cite Anther Herrera, ancien membre d'un des plus dangereux gangs du Vénézuela, qui a décidé de rendre ses armes et de commencer une nouvelle vie. Il est actuellement ambassadeur de Santa Teresa 1796 et l'accompagne lors de dégustations à Paris, Milan ou encore Madrid.
De la différence d'être une femme.
A la question, "il n'y a pas beaucoup de femmes à ce poste aujourd'hui, qu'en pensez-vous ?", Nancy nous livre une réponse qui résonne beaucoup avec l'idée derrière la création de Distilleuses :
"Dans l'histoire de l'industrie des spiritueux, les femmes ont été présentes, mais pas toujours visibles. Qu'il s'agisse de travailler secrètement dans les distilleries ou de faire de la contrebande à l'époque de la prohibition, de maintenir les traditions familiales et de préserver les recettes sacrées à travers les générations. Les femmes sont extrêmement compétentes et ont généralement un odorat plus développé que les hommes, ce qui nous donne un avantage en termes d'art et de science dans la fabrication des spiritueux.
Aujourd'hui, les femmes jouent un rôle plus important dans différents secteurs et industries à travers le monde, y compris à la tête de pays. Dans le secteur des spiritueux, l'accent a été mis sur l'embauche de femmes au cours des dernières décennies et, de ce fait, des femmes dirigent aujourd'hui des marques de spiritueux ou gèrent leurs processus de production. Les jeunes femmes voient maintenant des femmes PDG ou maîtres rhumiers et peuvent se voir dans ce rôle, même si cela n'a pas toujours été le cas."
Pas étonnant alors que sa plus grande fierté soit de représenter les femmes vénézuéliennes...